Gaëlle Billemont : l’Humain au cœur du nucléaire

 
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On fait comment quand on est Ingénieure en sureté nucléaire et que l’on a une ancre de carrière centrée sur l’humain ? Gaëlle Billemont a profité de son expatriation en Finlande pour plonger en immersion culturelle au milieu des Finlandais et des migrants. Et pour réinventer son métier! Elle a utilisé la Finlande comme un laboratoire d’expériences sur la gestion des conflits. A son retour en France, Gaëlle réintègre son entreprise et met en action une conviction : au-delà des processus techniques, l’harmonie dans les équipes est un levier de sûreté nucléaire.

Renoncer à la « carrière parfaite »

« J’ai toujours entendu qu’il fallait être bon en sciences pour réussir. C’est comme ça que je suis devenue ingénieure chez Areva »
Gaëlle a coché toutes les cases de la réussite. Math Sup, Ecole d’ingénieur, secteur pétrochimique puis nucléaire, grands groupes internationaux. Elle a fait les études qu’il faut, intégré les entreprises qu’il faut. Le tableau de chasse parfait. Mais une évidence s’impose : elle n’a pas trouvé sa place au travail. On lui avait promis qu’avec ces diplômes et cette carrière, elle pourrait tout faire. Mais à quoi ça sert de pouvoir TOUT faire quand on ne sait pas QUOI faire? Et pourtant, Gaëlle aime ce qu’elle fait : la sureté nucléaire. Elle se sent en connexion parfaite avec la « culture ingénieure » et son relationnel simple et direct.

Ecouter les messages du corps

« Je me sens épuisée en permanence et ce besoin de repos me culpabilise. Je bosse depuis la 4ème au point de m’épuiser, au point de n’avoir jamais vraiment eu de loisir, de passion et de soupape de sécurité » 
Il y a un moment où le besoin de sens au travail se répercute physiquement. Gaëlle n’a jamais appris à s’écouter, alors c’est son corps qui va lui hurler des messages haut et fort. Accident du travail, épuisement professionnel. Comme un bon petit soldat, elle ferme les écoutilles et continue d’avancer. Comme on lui a toujours dit de faire. A son arrivée en Finlande où elle suit son mari expatrié, elle ne travaille plus mais ressent pourtant au quotidien une immense fatigue. Progressivement, Gaëlle va apprendre le vide, le silence, la prise de recul. Elle fait la place pour son projet. « Ma plus grande leçon a été d’apprendre à être bienveillante avec moi-même ». Gaëlle découvre les clés de l’équilibre personnel.

L’expatriation comme un laboratoire d’expériences

« J’ai eu un déclic pendant le cours de Finnois. Il y avait des Allemands, des Ukrainiens, des Afghans  des Français… Un Allemand s’est insurgé contre le manque d’efficacité du cours. Et chacun avec sa préférence culturelle est intervenu sur ce qu’il attendait du professeur et du cours. Ça a été un beau chaos révélateur de ce qui provoque un conflit et diminue l’efficience d’un groupe »
Gaëlle cesse d’être rationnelle à tout prix et se reconnecte à son instinct. Elle entame une phase exploratoire sur elle-même et sur ce qui raisonne en elle. Elle sort de la communauté française expatriée qui constitue une bulle étanche au contexte local : elle quitte cette communauté conflictuelle qui l’épuise émotionnellement.
Et elle se fond dans le contexte local. Elle prend tout ce qui se trouve là, en Finlande, au même moment qu’elle. Finlandais ou migrants, elle ne fait pas le tri : elle s’immerge dans une communauté muticulturelle qui va la ressourcer, la faire grandir humainement et professionnellement. Aux côtés des migrants qui affluent en Europe du Nord, des travailleurs internationaux de toute sorte, Gaëlle apprend le finnois. Elle profite du premier levier culturel que constitue la langue et vit une expérience interculturelle intense. Elle pousse l’expérience en faisant du bénévolat au sein de la Croix Rouge auprès d’une Finlandaise aveugle, elle anime des ateliers pour les enfants migrants. Elle va où son coeur la porte… L’ingénieur en sureté nucléaire rompue aux process plonge dans un immense bain d’expériences humaines.

Réinventer son métier

« La prise en compte des disfonctionnements relationnels entre les personnes est un levier essentiel de sûreté nucléaire. C’est pour moi LE chantier du futur »
Gaëlle acquiert au fil de ces expériences la conviction qu’elle doit faire grandir son métier en s’appuyant sur l’Humain : intégrer la précieuse expérience de terrain détenue par chaque salarié pour gagner en qualité, tirer toute la richesse de l’Humain et de sa singularité, écouter et accompagner chacun pour faire grandir l’entreprise à travers ses collaborateurs, instaurer la confiance auprès des clients à travers une équipe soudée. Des entreprises riches de gens et pas seulement de procédures !
De grands mots tout cela ? Pas pour Gaëlle qui a vécu ce besoin de manière concrète, au quotidien, dans un pays inconnu où elle n’était qu’une étrangère parmi les étrangers. Elle a agi concrètement sur le terrain et en a évalué les résultats au sein des groupes multiculturels!
De retour de son expatriation en Finlande, Gaëlle rejoint l’entreprise qu’elle avait quittée et se donne les moyens d’une évolution de poste: ce qu’elle a fait dans un milieu inconnu, elle veut le faire là aussi, dans une entreprise qu’elle aime et qu’elle connaît par cœur. Elle veut concilier les sciences et l’Humain !

Intrapreneure…

 « J’ai proposé à ECP de développer mon approche en interne. J’ai su convaincre et c’est vraiment motivant. Ma société est ouverte à la création d’un groupe de travail autour de ce projet. Je développe des outils de formation innovants avec la video »
Gaëlle a découvert le sens qu’elle souhaite donner à son métier, c’est indiscutable ! Elle est remplie d’une énergie motrice : « Avant je n’écoutais pas mon instinct. Aujourd’hui, j’ai des papillons dans le ventre. J’ai l’impression d’être enfin vivante ». Elle est au cœur de sa zone d’excellence : elle fourmille d’idées pour rendre ses convictions opérationnelles. Chez elle cela se traduit par une formidable créativité pour développer des outils et des supports pédagogiques. Elle suit des cours de médiation à Paris en accord avec son entreprise : « les profils des participants sont hétérogènes, avec des RH bien entendu, une syndicaliste, des inspecteurs HSE, des coachs, des consultants, et interculturalistes ». La diversité continue de fertiliser sa réflexion.

Communiquer son projet en interne au retour d’expatriation

« Mon défi est de communiquer ma conviction à mon management. Il faut réajuster le décalage avec leur attentes »
Gaëlle a considérablement changé au cours de son expatriation en Finlande. Elle a opéré une mue personnelle et professionnelle. Elle peut donner l’image caricaturale de l’expatrié incapable de se reconnecter avec son entreprise au retour. Mais c’est tout à fait le contraire : elle n’a jamais été aussi proche de son entreprise, elle déborde de motivation pour la faire grandir. Il faut multiplier les échanges, reprendre contact avec l’écosystème, convaincre. Pas de problème pour Gaëlle : elle a toujours veillé à garder le lien avec les gens et les projets de ECP. Elle sait ce dont elle a besoin pour s’épanouir dans son travail et être la plus utile à son entreprise.
Le rêve de Gaëlle, diffuser en interne ses acquis issus de son expérience internationale, est en marche. Elle a mis en fusion un véritable réacteur interne pour y parvenir…

Stéphanie Talleux

 
Clarisse Talleux